21 novembre 2013

Récit de l'abandon.

Bonjour à tous ,

Une semaine déjà que tout est arrivée, et j'ai l'impression que c'était hier. Je suis rattrappé par la vie réelle après avoir fraichement atterri en France hier . Ciel gris et quelques degrès au dessus de zéro m'ont vite remis dans la réalité.

Je suis déboussolé , abassourdi par la conclusion de mon histoire démarré il y a 5 ans.

Jeudi 14 Novembre vers 18H30 . Depuis notre départ la veille , le bateau fonctionne à merveille , je me sens bien dessus , il accélère sereinement , s'élance dans des surfs endiablés à la limite des sorties de route. Les moyennes sont monstrueuses et le compteur de vitesse s'affole le jour du départ avec 20,4 noeuds de vitesse maximum. Mais la route est très longue ,je réduis dans la nuit et ne garde que la Grand Voile avec 2 ris . Les conditions sont dantesques! 28 noeuds établis rafales à 37 et une houle de 3,50 m à 4,50m . Le bateau continue de "tartiner" à plus de 12 noeuds .
Ce matin du 14 les conditions mollissent un peu ,je décide d'aller faire de l'Ouest pour me recentrer sur la flotte .
2 ris dans la Grand voile , sous Solent et code 5 le bateau avance à merveille ,stabilité et passage de vague m'étonne même.
Quelque casse à droite à gauche mais rien d'important ,je répare dans la journée.
Le soleil tombe tranquillement, je suis à la barre depuis une heure et prend un plaisir à dévaler cette houle qui grossit .
Le compteur affiche régulièrement 15 noeuds.
Arrivé sur le haut d'une vague et m'apprêtant à la dévaler ,j'appercois dans son creux un végétal flottant entre deux eaux! Un tronc? une branche? un billot. Je ne sais pas et ne le saurais sans doute jamais . Le végétal fesait plusieurs mètres et avait un diamètre suffisant pour stopper un engin lancer à pleine vitesse.
Je n'ai le temps de rien faire, le bateau tombe de tout son poids à hauteur du puit de dérive sur l'OFNI . Le bruit est fracassant et le croche patte ultra violent. Le végétal se met en travers de la route du bateau et s'arrête net dans la quille qui stoppe quasiment le bateau.
Imaginez faire un sprint et placer dans vos jambes un bout de bois en pleine course !
La vague qui me suivait s'écrase sur moi et fait basculer le bateau à 90 °. Le temps d'appercevoir la tête de mât plonger dans l'eau , les voiles qui battent , et une autre vague vient cette fois ci me faire glisser de l'autre coté du bateau. Je me rattrappe comme je peux et largue les voiles en catastrophe pour remettre le bateau à plat.
Il me faudra près de 20 minutes (enfin je crois) pour descendre toutes les voiles , les récupérer comme je peux, les attacher avec ce que je trouve sous la main.
Je me pose 5 minutes. Je suis trempé et décide de rentrer à l'intérieur me réchauffer un peu.
Vision d'apocalipse ! 30 cm d'eau partout qui bascule de droite à gauche et tout le matériel éparpillé.
J'active à ce moment là le bouton de ma balise Argos qui signifie que j'ai un problême mais que je suis à bord et que je gère.
Je réalise d'un seul coup que l'eau rentre dans mon bateau.
Je cherche ma lampe frontale plusieurs minutes et attrape toutes les lampes torches du bateau pour y voir plus clair.
En me déplacant vers l'avant je constate que ma quille bouge d'avant en arrière! Je m'appercois rapidement que ma cloison de quille s'est ouverte laissant passer l'eau par un trou de la taille d'une demi paume de main!
Mes batteries sont déjà à la limite d'être sous l'eau!
Je vais chercher rapidement tous les tuyaux des pompes à eau et commence à pomper. J'utilise en même temps un seau pour essayer d'être plus efficace.
Je me rends compte que j'ai aussi beaucoup d'eau à l'avant de ma cloison de mât . En me déplacant tout à l'avant je constate une autre brèche près du puit de dérive , plus petite celle ci.
Je décide d'abord de m'occuper de la plus grosse . J'essaie d'y glisser tout ce que je trouve sous la main , mon spi, des fringues , un gant, pour limiter l'entrée d'eau.
Je cherche dans ce capaharnaum mon pistolet et mon sikaflex (silicone). Je fais des tentatives toute la nuit pour faire une sorte de paté/mastic à base de voile de sikaflex et de greytape, le tout en pompant pour éviter que le niveau d'eau monte trop haut et noie mes batteries.
Je tente même de me lancer dans une stratification avec la résine qui peux prendre dans l'eau. Mais les condtions sont affreuses et je dois conserver une main pour pomper...
Il est 6H30 du matin, quand je regarde autour de moi j'ai la sensation de n'avoir rien avancé.
Force est de constater que tout est inutile . Je suis calciné de fatigue ( je n'ai dormi que 20 minutes depuis le départ) j'ai froid, l'eau monte et les conditions vont se dégrader pour la journée et la nuit suivante.
Je ne peux pas avancer avec le bateau dans cet état.
Vers 7 heures je décide d'activer la deuxième poistion de ma balise ARGOS qui signifie que cette fois ci j'ai besoin d'une assistance.
Je me prépare donc à abandonner mon bateau. Je vais tout d'abord chercher ma combinaison de survie que j'enfile rapidement .
Je sors le caisson de survie sur le pont , le déplombe et sort la vhf (radio) portable.
Je réunis quelques affaires dans un sac étanche.
Une heure plus tard je recois un premier contact radio du Nacira 40 (bateau accompagnateur) qui se dirige sur moi.
Je réalise une fois de plus qu'on va me porter assistance.
Peu de temps après c'est le black out , plus d'énergie à bord , tout s'éteint . Le jour se lève ,et le vent est encore très soutenu entre 25 et 30 noeuds et 3m de vague.
Benoit Parnaudeau, skipper du Nacira 40 me donne ses instructions de récupération. Je sors le radeau de sauvetage par la trappe arrière, l'attache fermement à l'arrière et le déclenche. Les flots d'eaux qui rentrent par la trappe finissent de remplir le bateau.
Après avoir mis mon sac étanche je grimpe dans le radeau et attend le signal de Benoit pour couper le dernier bout qui me retient à mon mini.
"Ok c'est bon Gilles tu peux couper" .
Je me met rapidement à dériver en laissant derrière moi mon bateau.
La manoeuvre de Benoit est parfaite et son équipage réagis de la meilleure des manières.
Je suis récupérer au bout de 10 minutes.
J'explose en sanglot sur le pont du bateau. J'ai tout perdu ,je suis abattu.
L'équipage m'accueille comme un roi. Je m'effondre sur la banette arrière de Christophe et je vais dormir près de 24 heures.

Je m'acclimate à mon nouveau bateau. Tout l'équipage est top avec moi . Je regarde chaque jour la position de mon mini qui continue à dériver grace à sa balise qui fonctionne toujours.
Pour rappel nos bateaux sont insubmersibles , ils peuvent flotter entre deux eaux .
Je n'ai pas de solution pour le moment mais voilà les scénarios probables:
-le bateau va continuer à dériver pendant des jours , la balise va cesser d'émettre et le bateau finira par s'échouer sur une plage ou se fracasser contre une falaise.
-le bateau va se disloquer en mer dans le mauvais temps ou contre un cargo.
- le bateau pourrait être récupérer par un remorqueur.

Dans tous les cas , le mini est dans état catstrophique quand je l'ai quitté. Un remorquage pourrait être compliqué avec un bateau rempli d'eau...

Je suis pommé , recueilli par ma famille et je commence les différentes démarches administratives. C'est très dur de conclure cette si belle histoire de cette manière.

Je tenais sincèrement à vous remercier pour tous vos messages de soutien aussi incroyable les uns que les autres . Ils me font chaud au coeur et me rapelle a quel point les amis et la vie est importante ...

Merci mille fois à vous tous.

Gilles

PS: mon portable est actuellement au milieu de l'Atlantique sur un bateau accompagnateur, je ne le récupérerai pas avant mi Décembre. Je suis joignable sur le n° suivant en attendant: 0634747792

12 novembre 2013

Traversée sans escale!

Bonsoir à tous,

1 mois tout juste après le départ de Douarnenez très rapidement avorté, me voilà fin prêt pour prendre ce nouveau départ, de Sada cette fois ci!
30 heures pour tout réparer et préparer l'avitaillement d'une traversée qui va durer près de 25 jours et sans escale .C'est une première dans l'histoire de la Mini Transat  et je suis tellement heureux d'y participer.
Évidemment la cargaison à bord est donc beaucoup plus volumineuse, à titre informatif: 125 litres d'eau, 10 litres de Coca, 8 litres de jus multi vitaminé ,17 kg de nourriture et un kit parfait  de Rhum pour une préparation " Ti Punch".
Autant dire qu'avant il n'y avait plus de place ,dorénavant je dors dehors!
Le départ est à 9 heures demain matin vous pourrez donc suivre la course tous les jours sur la cartographie du site de la Mini Transat...
Pour suivre toutes les news en temps réel rendez vous sur la page Facebook ou Twitter via les raccourcis du blog et du site internet.
Je me répète une fois de plus mais je tenais mille fois à vous remercier pour tous vos messages de soutien qui me touche énormément.
Voilà je pars traverser l'Atlantique sur ma coque de noix après 5 ans de projet, c'est inouï et c'est aussi grâce à vous .


A très vite.

Gilles